Revivez le procès de l'incendie du Cuba Libre à Rouen

Amirouche et Nacer B. comparaissaient du 9 au 17 septembre devant le tribunal correctionnel de Rouen. 7 jours de procès pour ces deux prévenus qui sont renvoyés pour homicides et blessures involontaires.

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Face aux deux gérants du bar "Au Cuba Libre" les familles de 14 jeunes décédés et les survivants de l'incendie survenu le 6 août 2016 dans le sous-sol aménagé en piste de danse.  Une série de graves négligences a conduit à ce drame. Les deux prévenus sont le propriétaire et le locataire-gérant du bar "Cuba Libre", deux frères âgés de 40 et 48 ans. Ils sont jugés pour "homicide involontaire et pour blessures involontaires par la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité".


Premier jour du procès : lundi 9 septembre 2019

Les deux frères sont arrivés dans la salle d'audience vêtus de sombre dans un silence complet. Au cours de ce premier jour de procès, la personnalité des prévenus sera évoquée. La situation commerciale et administrative de l'établissement sera détaillée tout comme l'historique du Cuba Libre et des travaux qui y ont été réalisés. La journée se terminera par l'audition des prévenus sur ces éléments. Amirouche B, gérant du bar, a une interprète à ses côtés mais il s’exprime bien en français et comprend toutes les questions de la présidente.


Des soirées organisées au rez-de-chaussée dès 2011


Plusieurs mains courantes sont déposées contre le "tenancier" du bar  Cuba Libre pour du vacarme et des "éclats de voix" en 2011. La même année, le propriétaire demande une étude acoustique suite aux plaintes des voisins. Elle concerne uniquement le bar brasserie en rez-de-chaussée. L'experte acousticienne a déclaré que des soirées avec DJ étaient organisées le week-end au bar dès 2011. La présidente :

vous avez changé la destination de votre commerce? 

Réponse de Nacer B

j'ai juste agrémenté avec un DJ.

La présidente au prévenu " vous n'êtes pas stupide, vous avez un bac + 2. Elle explique que le 24 septembre 2013, la page Facebook du bar Cuba Libre présente la salle club" avec DJ jusqu'à 2 h du matin. Le propriétaire du cuba libre explique qu'il avait "beaucoup de pression" de la police à cause des plaintes des voisins pour les soirées bruyantes. L' avocat partie civile Arnaud de Saint Rémy questionne le propriétaire du bar

comment se fait il que l'ouverture de la salle club au sous sol soit annoncée sur Facebook mais pas à votre bailleur ?

j'avais peur que le bail soit résilié. Nacer B.

A la reprise de l'audience l'après-midi, les prévenus sont interrogés sur l'histoire de l'établissement et l'aménagement de la cave en petite discothèque. Lorsque Nacer B. donne la location / gérance du Cuba Libre à son frère en 2015, l'utilisation de la cave pour accueillir des clients n'est pas inscrite dans le contrat. Les prévenus n'ont pas prévenu volontairement le propriétaire de l'utilisation de la cave en discothèque pour éviter la résiliation du bail ou la hausse du loyer.


Un procès hors norme

Les deux frères auraient dû être jugés dans le tribunal correctionnel de Rouen mais la salle étant trop petite, le procès a été déplacé dans la salle de la cour d'assises du palais de justice. Plus d'une centaine de parties civiles avec une vingtaine d'avocats pour les représenter. Des familles éprouvées par les 7 jours de procès qui les attendent : 7 psychologues et 5 juristes de l'AFV (l'association France Victimes de Rouen) seront présents durant la durée des débats. Une salle de repos a été mise en place pour les parties civiles.
Plus de 65 journalistes ont été accrédités pour ce procès hors norme.
 

Deuxième jour du procès : mardi 10 septembre 2019

Lors de cette deuxième journée de procès, ce sont la configuration des lieux et l'utilisation du sous-sol en piste de danse qui vont être étudiés. La cour écoutera aussi les témoignages des personnes non victimes et les témoignages des pompiers qui sont intervenus la nuit du drame.

L'après-midi est consacrée aux témoignages des policiers, l'audition d'un expert mousse. L'audience se terminera par l'audition des prévenus sur tous ces éléments.

Une vidéo a été projetée : elle a été prise par un témoin présent la nuit du drame. Des images terribles montrant des victimes tentant de briser les vitres avec les sieges du bar. Pendant cette diffusion, les deux prévenus baissent la tête.


Le témoignage d'un pompier :

L'intervention des pompiers au sous-sol sera compliquée : l'extraction des corps s'est montrée difficile en raison d'un escalier trop étroit. Il faudra une heure pour remonter 6 corps. Le responsable du Cuba Libre, sous le choc, n'a pas indiqué aux pompiers la présence d'une issue de secours. Ce sont les pompiers qui trouveront eux même cette sortie. Ils la fractureront pour évacuer plus rapidement les victimes. 

Si les jeunes avaient pu emprunter l'issue de secours, je pense qu'ils auraient survécu au drame. Mais quand nous sommes arrivés il était trop tard, il y avait malheureusement plus grand chose à faire.
 

Par ailleurs, une plainte a été déposée mardi 10 septembre et une enquête ouverte par le SRPJ de Rouen car l'une des victimes rescapées de l'incendie, constituée partie civile, a reçu des menaces alors qu'il doit témoigner mercredi 11 septembre 2019.

  



Troisième jour du procès : mercredi 11 septembre 2019

Le programme du 11 septembre 2019 : audition d'experts incendie puis l'après-midi sera consacrée à l'audition des victimes survivantes avec la lecture des certificats médicaux. Comme tous les jours l'audience se terminera par l'audition des prévenus sur l'ensemble de ces éléments.

Retrouvez Sylvie Callier qui vous résume cette matinée du 11 septembre depuis le tribunal de Rouen

Les victimes n'ont pas vu tout de suite le départ de l'incendie, leur attention était focalisée sur le gâteau d'anniversaire. Le DJ Zacharia a passé un appel à l'aide au gérant qui a duré 4 minutes.


Des coups de pied dans la porte de secours

Sylvie Callier résume cette troisième journée marquée par le témoignage d'un rescapé de cet incendie mortel :

J'ai entendu "Au Feu !"  J'ai cru que c'était une blague. J'ai dit arrêtez la musique, il y a le feu ! C'était trop tard. Des gens ont donné des coups de pied sur la porte de secours. Rien n'y a fait...

Je me suis dit soit tu sors, soit tu restes !

J'ai essayé de prendre la main de ma cousine. J'ai glissé, j'ai été brûlé aux mains, j'ai trébuché plusieurs fois. Arrivé en haut, dehors, je me suis roulé dans l'herbe, il y avait de la rosée...

  • Gauthier, rescapé du Cuba Libre
 
Reportage de S. Callier et J. Bègue. Dessins de Mathias Poisnel

Quatrième jour : jeudi 12 septembre 2019

Programme du jour : rapport du médecin légiste sur la mort de Karima, la 14ème victime décédée un mois après l'incendie des suites de ses graves brûlures. Ses proches viendront également témoigner à la barre. Une synthèse des rapports médico-légaux sur les autres victimes décédées a été lu dans la matinée. Les proches de victimes qui souhaitaient témoigner ont pris aussi la parole.

Je vis dans l'obscurité, vous avez détruit ma famille, les rêves de Karima. Vous avez arraché mon coeur je ne vous le pardonnerai jamais.  Maman de Karima

Les parents des 14 victimes décédées sont venus cet après-midi à la barre des témoins. Leurs témoignages étaient poignants.
Une mère a gardé à ses côtés une psychologue, une autre tenait tout contre elle un T.shirt de son fils. Parfois, des proches se sont serrés à 3 ou 4 sur l'estrade devant le micro. Certains sont parvenus à contenir leur colère, d'autres pas. Ils estiment que les faits ne sont pas involontaires.

Ils ont décrit le manque de leur enfant, plusieurs ont perdu leur enfant unique. Ils ont aussi évoqué les dernières paroles échangées, leur vie actuelle. Beaucoup sont sous traitement, certains ne peuvent même plus travailler.

Pour la mère d'Ophélie qui fêtait ses 20 ans, le souvenir est toujours vif  "En quittant la maison pour rejoindre ses amis, elle était rayonnante. Son petit frère avait préparé un cadeau pour elle à son retour"

La mère de Julie décrit un quotidien difficile: "Je survis, je n'accepte pas ce qui s'est passé "


2 questions pourtant les obsèdent: pourquoi l'issue de secours était-elle verrouillée ? Pourquoi le gérant et le propriétaire n'ont pas indiqué aux pompiers arrivés sur place, qu'il y avait une porte issue de secours 

La mère de Florian s'est adressée aux prévenus : "vous préférez la magouille à la sécurité "


Le père de Zacharia  s'est interrogé à voix haute: " je n'ai pas de haine, la vengeance entraîne la violence mais pourquoi avoir négligé la sécurité à un tel point ?"

Quant à la mère de Donatienne, elle exprime ses sentiments actuels : "je n'entendrai plus jamais le mot de maman"

Vidéo : le compte rendu de la 4ème journée du procès du Cuba Libre avec Sylvie Callier
 


Cinquième jour : vendredi 13 septembre 2019

Le cinquième jour d'audience a commencé dans ce procès de l'incendie mortel du bar "Cuba Libre". La présidente a présenté les demandes de réparation financière aux prévenus par la CPAM du Calvados : 90 000 euros. Les plaidoiries des parties civiles reprennent. 

Pour Maître Capitaine, du barreau de Dieppe, l'incendie mortel du bar CubaLibre,

ce n'est pas le hasard, le destin.

Le gérant et le propriétaire ont fait preuve de "dissimulation " en ne déclarant pas les travaux, l'exploitation du sous-sol. 

Les avocats des familles de victimes de l'incendie du Cuba Libre demandent que le préjudice d'angoisse de mort imminente (vécu par les victimes) et le préjudice d'angoisse d'attente (pour les parents) soient reconnus.


"Accumulation de fautes et dissimulations"

Vendredi 13 septembre-8h30 : le compte-rendu d'audience de Sylvie Callier dans le JT de France 3 Normandie après 5 jours de procès. (Le procès reprendra lundi matin).

Les avocats des familles de victimes demandent que le préjudice d'angoisse de mort imminente (vécu par les victimes) et le préjudice d'angoisse d'attente (pour les parents) soient reconnus.

L'avocat dieppois Maître Lemiegre plaide sur le banc des parties civiles. Il représente le père de Megane qui a perdu la vie le 6 août 2016 dans l'incendie du bar rouennais. Mégane était sa fille unique. "Plus le temps passe, pire c'est" explique l'avocat du père de Mégane.  "Il survit, doit prendre des médicaments, sa santé est atteinte…"
Me Lemiegre clame : "Pourquoi n'y a pas de visites régulières et inopinées des commissions de sécurité dans les bars de 5e catégorie ?" "Il suffit d'un arrêté et le système auto-déclaratif donne lieu à des abus."
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